À la mi-mars, la commission des lois du Sénat examinera la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 9 février, et portée par la députée Isabelle Santiago (socialistes et apparentés-NUPES). Le texte permet, notamment, la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement pour les parents poursuivis, mis en examen ou condamnés pour agressions sexuelles ou crimes commis sur leur enfant. Il prévoit également la suspension de l’exercice de l’autorité parentale dans certains cas de violences conjugales.
Si les associations saluent la démarche, elles expriment leurs vives préoccupations concernant les grandes lacunes que présente la mouture actuelle du texte.
Mettre l’enfant à l’abri : toujours pas assez tôt selon les associations
Le CPLE regrette que la protection offerte par ces nouvelles dispositions ne s’appliquent qu’au moment des poursuites pénales, autrement dit, qu’après la fin des enquêtes. Il arrive très fréquemment que le parent mis en cause ne soit pas éloigné de l’enfant tant que l’enquête pénale n’a pas été terminée et que le parent n’est pas condamné. En conséquence, l’enfant victime subit les violences ou l’exposition aux violences durant de nombreux mois supplémentaires, alors même que les autorités de justice et les institutions sociales sont informées d’une situation potentielle de grave danger. Par ailleurs, le parent protecteur qui refuse de remettre l’enfant à la résidence de l’autre parent s’expose à de lourdes sanctions pénales pour non-représentation de l’enfant.
Face à ces constats, le CPLE recommande de rendre obligatoire et immédiate la saisine du juge aux affaires familiales par le ministère public, dès lors que ce dernier reçoit un signalement ou une plainte à l’encontre d’un parent suspecté soit d’être auteur, coauteur ou complice de violence sur la personne de son enfant, soit d’être auteur, coauteur ou complice de violence sur la personne de l’autre parent ; et ce, sans automaticité de la suspension de l’autorité parentale et sans préjudice de la présomption d’innocence. L’enfant doit pouvoir être mis à l’abri dès l’ouverture de l’enquête, non seulement pour éviter qu’il soit exposé à de nouvelles violences, mais aussi pour préserver l’enquête elle-même, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Certaines violences ignorées par le texte
Les sénateur·trices débattront sur des articles qui visent uniquement les crimes commis sur les enfants ou les délits à caractère sexuel. Les autres formes de violence, telles que les mauvais traitements, les coups et blessures, les humiliations, les menaces, etc., ne sont pas couvertes par le texte actuel. Or, ces violences physiques et psychologiques font l’objet des nombreux signalements et dépôts de plainte de la part des parents protecteurs qui tentent de mettre leur enfant à l’abri.
De surcroît, le texte exclut sciemment les violences conjugales auxquelles les enfants n’auraient pas assisté. Or, un enfant n’est jamais dupe des violences subies par l’un des parents, et peut subir de graves préjudices psychologiques même sans avoir été témoins directs des scènes de violence. En outre, cette disposition instaure une espèce de prime funeste aux conjoints violents qui se feraient suffisamment discrets pour ne pas porter leurs coups, menaces ou humiliations en public.
Ultime bizarrerie du texte, qui préoccupe les associations : les députés ont précisé que seules les violences “volontaires” commises par un parent sur l’autre conjoint·e seraient couvertes par les nouvelles dispositions. Cet ajout n’a fait l’objet d’aucune argumentation approfondie ni d’aucun débat avant son adoption. Les associations s’interrogent sur l’utilité et la pertinence de ce qualificatif, puisqu’une violence est nécessairement volontaire. La formulation actuelle risquerait de soulever des débats sur la nature des violences qui seraient concernées ou non.
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Le Collectif pour l’Enfance (CPLE) réunit 43 associations et personnalités qualifiées dans le domaine de la protection de l’enfance. Fondé en 2018 dans le but d’obtenir un âge légal de non-consentement aux relations sexuelles avec les adultes, le CPLE est aujourd’hui mobilisé sur la protection immédiate des enfants victimes de violences intrafamiliales.
Contact : Arthur Melon, secrétaire du CPLE
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