Posted in Colloque Mécanismes psychiques

Conséquences de l’impunité des violences sexuelles sur mineurs.

Conséquences de l’impunité des violences sexuelles sur mineurs. Posted on 17 novembre 2019

Par Véronique Nahoum Grappe, anthropologue

Comment est-il possible d’incriminer ou non certains faits transgressifs à un moment donné, dans un lieu donné, un pays, un village, une famille…

La famille au sens anthropologique

Elle est un lieu où le rapport de force est très spécifique. Qui détient le pouvoir ? Ce sont les parents. Ils donnent les cadres de compréhension du réel à l’enfant. L’adulte est plus fort, plus grand, il a la connaissance du monde, il est le pilier, il a la force de la logistique économique. Pour le personnage transgressif, qui va effectuer le crime de profanation sur le petit corps de l’enfant, c’est une jouissance.

Le confort de l’impunité

Jouir de l’impunité c’est le confort du bourreau, cela définit le cadre de la répétition. Le confort est moral, physique, psychique. L’impunité change le bourreau dans une forme de vertige psychotrope qui accentue la cruauté. Face à ce pouvoir de tout faire, la posture d’impunité est une nécessité.

Impunité et mensonge

Il faut construire le mensonge afin que l’impunité dure. Le personnage transgressif est du côté du pouvoir absolu. II peut tout faire. Il va expliquer que cet enfant dans le placard c’est sa faute, il est méchant. Le premier moment du mensonge c’est la bascule de la culpabilité du côté de la victime. L’inversion de culpabilité. Le deuxième moment du mensonge c’est une construction théorique qui va légitimer cette bascule. Là on passe de l’espace familial à autre chose.  

Une criminalité instituée dans l’impunité 

L’impunité sur le plan familial ou général autorise la multiplication des crimes. Comme le disait Montaigne “S’il y a l’impunité en lieu de justice cela autorise la multiplication des crimes”. En quantité, dans le confort, en virulence, en toxicité, en méchanceté. C’est jouir de la souffrance que l’on impose à autrui sans raison. 

Le performatif de l’impunité 

Il décrit un fonctionnement, quelque chose de très précis et qui fonctionne. La réalité est la façon dont les choses s’expriment dans la famille. Il sera impossible de dire pour l’enfant du placard, violé, maltraité alors que les autres sont chouchoutés, que quelque chose ne va pas. C’est une performance. Tous les crimes s’effectuent dans la grande majorité du côté du bon droit. Le criminel a construit une théorie : Hitler a supprimé les juifs parce qu’ils menaçaient la planète. Le père qui torture raconte que c’est sa mission sacrée que personne ne comprend rien. 

Une construction vertigineuse

La construction va être jouée dans le registre du vertige “toujours” “jamais”, “le pur”, “l’impur”, “le sacré”. Le mensonge pour s’installer, fasciner, méduser, va utiliser ce registre de la sémiologie vertigineuse, c’est à dire quelque chose d’absolu. 

L’impunité est une conviction plus ou moins partagée par les acteurs eux-mêmes. Quand vous dites à la victime, jamais ton point de vue ne pourra être entendu. L’absence de la moindre lueur d’espoir fait que la victime ne relève pas la tête. 

Au final moins d’1% des viols sont punis.