En réaction au vote du Sénat, 33 associations de protection de l’enfance s’inquiètent d’un texte confus qui passe à côté des enjeux essentiels
Jeudi 21 janvier, le Sénat a adopté en première lecture une proposition de loi de Mme Annick Billon visant à criminaliser tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un enfant de moins de 13 ans. Dans le sillage des différents scandales judiciaires et médiatiques (dont l’affaire Duhamel n’est que la dernière en date), ce texte vise à instaurer un seuil d’âge clair en-dessous duquel aucun enfant ne pourrait être reconnu consentant. Si les associations de protection de l’enfance saluent cette initiative – qu’elles appellent de leurs vœux depuis plusieurs années – elle constatent avec inquiétude que les débats parlementaires n’ont pas abouti pour le moment à des amendements véritablement protecteurs.
Un âge de non-consentement insuffisant
Le texte d’Annick Billon prévoyait, dès sa rédaction, de fixer l’âge de non-consentement à 13 ans. Parmi les acteurs de la protection de l’enfance, un consensus s’établit à l’âge de 15 ans. En effet, de nombreux experts scientifiques et associatifs estiment que les enfants de 13 et 14 ans ne disposent pas du discernement nécessaire pour consentir à des relations sexuelles avec des adultes. Paradoxalement, les affaires qui ont motivé cette initiative parlementaire (affaire Duhamel, affaire de Pontoise, affaire des sapeurs-pompiers, témoignage de Vanessa Springora…), qui concernaient des mineurs de plus de 13 ans, pourraient donc toujours avoir lieu même avec les nouvelles dispositions votées hier au Sénat. Ce texte ne permet pas de répondre aux questions qui se posent.
Des agressions sexuelles qui supposent le consentement de l’enfant
Le texte voté à l’unanimité, s’il criminalise les pénétrations sexuelles, a complètement omis les agressions sexuelles commises sans pénétration. Par conséquent, un enfant de 7 ou 11 ans pénétré sexuellement sera reconnu non-consentant, mais dans le cas d’attouchements, il serait réputé avoir consenti…
L’inceste, très malmenée ?
La nouvelle mouture du texte, si elle prend en compte la question de l’inceste, ne la met toujours pas au cœur de la question du non-consentement. En effet, les sénateurs ont refusé de voter que tout acte sexuel incestueux commis sur un enfant serait forcément commis sans son consentement.
Au lieu de cela, les nouvelles dispositions présentent même une incitation de plus à la correctionnalisation, puisqu’elles augmentent le quantum de la peine au même niveau que l’agression, mais sans reconnaître la contrainte morale. Les magistrats seront donc davantage tentés de retenir une simple atteinte au lieu d’une agression ou d’un viol.
Des alternatives simples existent
En somme, les associations dénoncent un texte confus, incomplet et incohérent. Elles craignent une aggravation du traitement judiciaire des victimes et souhaitent une profonde révision du texte. Il existe pourtant des solutions législatives simples et efficaces pour défendre les enfants, à l’image de la proposition de loi de la députée Isabelle Santiago.