Le rapport d’évaluation de la loi Schiappa, remis par Mme Alexandra Louis le 4 décembre dernier ne peut que laisser un goût d’inachevé aux 33 associations de protection de l’enfance qui se sont réunies au sein d’un « Collectif pour l’enfance » (CPLE) afin de faire reconnaître, dans la loi, l’incapacité d’un enfant à consentir à un acte sexuel avec un adulte.
Si l’on se réjouit que la députée préconise que soient créées des infractions spécifiques pour les mineurs de moins de 15 ans, qui excluent enfin dans leurs éléments constitutifs toute discussion sur le prétendu consentement de la victime, ce qui correspond à la volonté du CPLE (recommandation n°35), on déplore que ce rapport omette de prendre en compte le cas de l’inceste alors que l’on sait que les violences sexuelles ont principalement lieu dans le cadre familial.
Aussi, se contenter de fixer un seuil d’âge à 15 ans reviendrait à considérer qu’un adolescent de 15 ans et demi pourrait consentir à son inceste, ce qui n’a aucun sens !
Il est donc impératif de retenir une infraction autonome pour les mineurs de moins de 15 ans qui écarte toute référence à la contrainte, mais également de fixer un seuil à 18 ans en cas d’inceste puisque là aussi, le mineur est nécessairement contraint.
Ainsi, l’âge de la victime quitterait le champ des circonstances aggravantes pour rejoindre celui des éléments constitutifs de l’infraction. Et le régime de l’atteinte sexuelle, qui est une abomination pour la protection des mineurs de moins de 15 ans, serait, de facto, abrogé.
L’adoption de cette réforme, qui ne ferait que mettre la France au niveau des pays ayant adopté une véritable protection de ses enfants (Canada, Belgique, Angleterre, Allemagne, Tunisie etc…) doit se concrétiser rapidement en une proposition ou un projet de loi afin d’en finir avec ces débats malsains récurrents sur le consentement de l’enfant que la loi Schiappa n’a fait que raviver, en le déplaçant juste sur la notion indéterminable de « discernement ».
Sur ce point, on ne peut que s’étonner que le rapport préconise de mener un travail de réflexion afin de voir comment ces nouvelles dispositions pourraient s’imbriquer avec celles déjà existantes, alors qu’il nous semblait que ce travail de réflexion était justement l’objet de ce rapport d’évaluation, et que des propositions très concrètes de rédactions de texte avaient été formulées et remises à Mme Louis par le CPLE sans même être évoquées dans le rapport…
Le CPLE observe également avec intérêt que, comme les associations l’avaient soutenu en 2018, une telle mesure de protection des enfants ne serait absolument pas contraire à la présomption d’innocence, comme l’ont confirmé plusieurs professeurs de droit consultés ainsi que la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme.
Il est donc largement temps de se doter enfin d’un système de protection de l’enfance digne de ce nom et de mettre fin à cette quasi-impunité des violences sexuelles sur mineurs, en actes et non plus par de simples déclarations d’intention.